Portrait de Pierre – membre du collectif Monts Énergies

Quand une initiative citoyenne entre en synergie avec une démarche territoriale.

Pionnier des énergies renouvelables citoyennes, fin connaisseur des Monts du Lyonnais et du modèle coopératif, Pierre est aussi l’un des fondateurs de Monts Énergies. Alors à l’occasion des rencontres nationales TEPOS dans les Monts du Lyonnais, c’est le moment de découvrir l’un des tout premiers collectifs à nous avoir fait confiance.

Initié en 2015 par un collectif inter-associatif, le projet est rapidement accueilli dans la démarche TEPOS de la Communauté de Communes des Monts du Lyonnais (CCMdL). La « coopérative » Monts Énergies est crée en 2018 par un groupe de citoyens désireux d’accélérer la transition énergétique sur leur territoire. L’idée ? Modifier sa manière de consommer pour utiliser moins d’énergie et produire de l’énergie localement pour couvrir les besoins.

Bonjour Pierre, comment as-tu rejoint l’aventure des énergies citoyennes ?

En 1975, j’ai découvert le rapport du Club de Rome : pour moi, c’était un électrochoc. Depuis, je suis convaincu que l’on va atteindre rapidement les limites de nos ressources. D’où notre choix familial de vivre en milieu rural, d’avoir un jardin, des panneaux photovoltaïques et thermiques, un récupérateur d’eau de pluie, un poêle de masse … Toutes ces choses qui deviennent à la mode aujourd’hui et qui ne l’étaient pas il y a encore quelques années.

Alors quand les citoyens des Monts du Lyonnais ont commencé à se réunir pour parler de transition énergétique, c’était cohérent avec ma démarche. Je me suis lancé aux côtés d’une vingtaine de citoyens pour fonder Monts Énergies.

Et justement, peux-tu nous en dire plus sur la création de la coopérative Monts Energies ?

Bien sûr ! La SAS s’est créée en février 2018 avec une vingtaine de sociétaires, (il y en a 150 aujourd’hui). La mobilisation citoyenne a dû commencer bien 5 ans avant, à l’initiative de plusieurs associations.

Dans mes souvenirs, ce collectif avait organisé une réunion publique pour parler d’énergies renouvelables citoyennes. Et il faut bien savoir qu’à l’époque, le mouvement en était vraiment à ses débuts. C’était quelque chose de tout à fait nouveau ! Alors pour cette réunion, on avait invité à témoigner des bénévoles de la Centrale Villageoise (SAS CVRC) qui a développé des premières installations photovoltaïques sur le village de Les Haies en 2014  : on peut dire qu’ils ont été notre déclencheur.

Rapidement, on a ensuite constitué un petit réseau d’une ou deux personnes par commune pour faire circuler autour de nous des idées de transition. Et comme tout ne va jamais seul dans un système comme celui-ci, la démarche TEPOS se mettait aussi en place. Portée par une nouvelle génération d’élus, cette initiative a amené avec elle une tranche de réflexion supplémentaire. Et tout cela faisait sens avec nos envies d’actions. Alors quand en 2017, on rencontre CoopaWatt, le lien est vite fait ! A cette époque, CoopaWatt se lançait et cherchait à tester ses accompagnements sur un territoire : via une convention avec la CCMdL, ils nous ont alors accompagnés dans la création de notre SAS. On a ainsi pu concrétiser nos idées via la constitution d’une entreprise qui s’inscrit directement dans ce principe de transition écologique.

Et aujourd’hui, nous sommes 150 sociétaires dont une trentaine très impliqués car l’ensemble de notre fonctionnement est bénévole. Certains bénévoles consacrent jusqu’à 4 jours / semaine au projet. C’est ce que nous appelons des “entrepreneurs bénévoles ”.

En 5 ans, tu as constaté une évolution des mentalités par rapport au photovoltaïque ?

Au début, on rencontrait beaucoup de personnes qui craignaient les démarches à réaliser pour installer des panneaux, d’autres n’avaient pas les moyens de financer une installation ou avaient terriblement peur de se faire « plumer ». Nous, on proposait de sécuriser le marché pour rendre les choses beaucoup plus faciles pour tout le monde.

Aujourd’hui, le contexte est complètement différent d’il y a 5 ans ! On trouve des panneaux et des démarcheurs de partout. On n’a plus vraiment besoin d’informer les gens : ils connaissent le photovoltaïque et ses avantages. Ceux qui investissent mettent largement en avant les économies « financières » possibles. Mais on a encore un rôle à jouer pour pousser aux économies d’énergie ! Même si les panneaux photovoltaïques ne sont pas une révolution de l’énergie, c’est un premier pas qui a le mérite d’engager les habitants dans une démarche concrète.

Carte des sites de production photovoltaïque de Monts Energies.

Alors justement, quelles actions mènent aujourd’hui Monts Energies ?

On poursuit l’exploitation et la maintenance de nos sites (environ 500 kWc installés à ce jour).

Et je dirais que l’on a toujours un rôle pédagogique à jouer, mais que celui-ci a évolué avec le temps. On continue de faire la promotion de la transition énergétique, sur notre site on communique sur les éco-gestes.

Plus concrètement, on propose des groupements de commandes de kits Solarcoop : on a déjà contribué à installer comme ça plus de 190 kits ! Au total, ce sont quand même 70 personnes impliquées dans la démarche et l’équivalent d’une petite centrale de 70 kWc en service.

Mais surtout, lorsque ces habitants commencent à produire de l’énergie, ils regardent ce qu’il se passe, ils jouent un peu avec et commencent à vraiment suivre leur consommation et leur production d’énergie. C’est donc un outil pédagogique intéressant qui permet d’amener petit à petit d’autres sujets comme la maîtrise de l’énergie et la question du collectif.

En parallèle, on compte bien aussi reprendre les réunions publiques pour toucher l’ensemble des Monts du Lyonnais cet automne. C’est l’occasion de promouvoir notre activité ainsi que la démarche CEPOS (déclinaison du programme TEPOS sur les “Communes à Énergie Positive”). C’est quelque chose qui nous parle : on vient décliner les grands enjeux planétaires dans les communes pour gagner en économie d’énergie, réduire la dépendance énergétique…

Et puis on se lance dans l’autoconsommation collective : CoopaWatt nous accompagne justement sur ce volet. On a déjà repéré 2 sites et on aimerait maintenant aller au bout de la démarche. D’autant plus que le principe d’autoconsommation nous semble aussi intéressant pour amener le sujet de la consommation et de la production de l’énergie d’une manière nouvelle, en allant au delà de l’aspect économique. Et pour ne pas perdre de vue notre raison d’être, on imagine proposer aux bénéficiaires de ces boucles d’autoconsommation un diagnostic de leurs consommations à l’issue duquel ils s’engageraient à réduire leur consommation de 10 à 15%.

Les territoires membres du réseau TEPOS se sont fixés pour objectif d’atteindre 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050. Cette année, les Rencontres TEPOS sont justement organisées dans les Monts du Lyonnais : comment vois-tu les choses pour développer les énergies renouvelables à l’échelle de ce territoire ?

Pour atteindre cet objectif il faudra d’abord raisonner « sobriété » ! Et pour soutenir la production d’énergie renouvelable, j’imagine 1 ou 2 éoliennes, car c’est impossible de couvrir l’ensemble du territoire de panneaux. Mais c’est un sujet devenu tabou en France, donc cela risque d’être difficile à mettre en place. Le patrimoine du petit hydraulique a aujourd’hui malheureusement complètement disparu.

Une autre solution serait de penser l’utilisation du solaire autrement. On voit par exemple très peu de panneaux thermiques sur nos toits. Et c’est bien dommage, c’est aussi une énorme source d’énergie ! A titre familial, nous nous sommes inscrits dans la démarche NégaWatt (⅓ d’économie d’énergie, ⅓ de renouvelable et ⅓ d’énergie du réseau). Nous avons réussi à réduire notre consommation et à atteindre cette part d’économie d’énergie seulement après avoir installé des panneaux thermiques.

Et pour moi, les actions menées par Monts Énergies permettent d’abord de préparer la suite et s’inscrivent dans cet objectif. Même si nous produisons de l’électricité, notre but, c’est avant tout de parler de maîtrise de l’énergie pour repenser notre manière à la fois de produire et de consommer.