Frédérique est tombée dans la marmite des énergies renouvelables citoyennes il y a 6 ans. Entre engagements, convictions et incertitudes, cette jeune retraitée et présidente de A Nos Watts raconte son parcours et son envie de sortir des stéréotypes.
En Ardèche, le soleil brille plus que dans d’autres départements ! Et ça, la Communauté d’Agglomération d’Annonay l’a bien compris. Dès 2018, la collectivité cherche à valoriser ce potentiel et pose une condition pour développer les énergies renouvelables : intégrer les citoyens au projet. Après le lancement d’un Appel à Manifestation d’Intérêt, c’est en avril 2019 que l’agglomération sélectionne l’offre groupée de CoopaWatt, Énergie Partagée Investissement et Aurance Énergies (société citoyenne qui intervient à l’échelle du département de l’Ardèche).
En juin 2020, la SAS A Nos Watts est lancée et regroupe ces 4 partenaires pour équiper dans un premier temps des sites publics en installations photovoltaïques et par la suite des toitures privées. C’est un 1 an plus tard que Frédérique Genevois rejoint A Nos Watts et devient présidente de la SAS. A l’occasion de la Journée Internationale des droits de la femme, CoopaWatt est allé à sa rencontre pour mettre à l’honneur son engagement citoyen.
“Les femmes doivent pouvoir se sentir plus compétentes, dans tous les domaines !”
Frédérique Genevois – Présidente de A Nos Watts
Je m’appelle Frédérique, je suis à la retraite depuis peu et j’ai été institutrice, directrice d’école, inspectrice de l’éducation nationale … Déjà à l’époque, je me questionnais sur comment faire société et comment un système peut impacter le cursus des individus. Arrivée à la retraite, j’ai eu envie de m’engager au service du collectif dans un domaine que je ne connaissais pas du tout.
Mais alors les énergies renouvelables, tu ne connaissais pas du tout ?
Au contraire : en 2013, on a installé sur notre ancienne maison des panneaux solaires photovoltaïques. C’était pour moi un acte militant : j’étais contre le nucléaire parce que je savais que des alternatives existaient. En revanche, je ne connaissais pas le modèle des énergies renouvelables citoyennes ou participatives. J’étais déjà investie en tant que citoyenne à d’autres niveaux, mais tout ça, c’était nouveau pour moi. D’autant plus que les premiers collectifs se sont constitués entre 2010 et 2012 et j’ai vraiment découvert cet univers avec les Centrales Villageoises en 2017.
Pour toi, ça veut dire quoi les énergies renouvelables citoyennes ?
Pour moi, les énergies renouvelables citoyennes touchent à l’environnement et à l’aspect citoyen politique dans le sens “affaire de la cité”. C’est la possibilité de ne pas déléguer complètement notre devenir pour arrêter cette fuite en avant par rapport au réchauffement climatique. Mais je trouve ça dommage d’attendre une guerre pour commencer à se poser de vraies questions dans le champ des énergies.
Et A Nos Watts dans tout ça : quand est-ce que tu as pris le train en marche ?
Je suis arrivée à Annonay en décembre 2019. Le temps que je pose mes cartons, c’est à l’automne 2020 que j’ai commencé à demander au Maire de ma commune s’il n’y avait pas quelque chose à faire pour développer les énergies renouvelables. Et c’est à ce moment-là qu’il m’a dit “Mais il y a quelque chose qui existe !” et je suis tombée dans la marmite.
En 2020, pour que les citoyens s’engagent dans A Nos Watts, ils devaient d’abord entrer dans Aurance Energies. J’ai donc suivi ce chemin et en juin 2021, il fallait des citoyens dans le nord de l’Ardèche pour porter A Nos Watts (là où Aurance Energies intervient plutôt dans le sud). Comme j’habitais justement dans cette partie du territoire, je me suis vite retrouvée dans le projet. Et c’est à ce moment-là que j’ai été nommée Présidente de A Nos Watts.
Être Présidente de A Nos Watts, ça implique quoi pour toi justement ?
C’est un rôle de pilote d’une certaine manière. Ce n’est pas tout faire, mais c’est faire en sorte que tout soit fait, susciter une dynamique et anticiper nos prochaines actions. Et puis c’est aussi pas mal de temps ! Entre ma casquette de Présidente de A Nos Watts et celle de Déléguée du Défenseur des Droits, il y a des matins où je me lève et je me dis “Tiens, ça ressemble curieusement au travail !”. Je travaille quasiment à temps plein bénévolement, mais tout en ayant la liberté de faire des choses que j’ai choisies.
Rejoindre A Nos Watts, c’était aussi pour moi la possibilité de rencontrer du monde. Quand je suis arrivée sur le territoire, j’avais le sentiment de ne connaître personne alors que c’était tout l’inverse pour mon compagnon qui habitait là depuis longtemps. Aujourd’hui, je suis fière de lui parler de gens qu’il ne connaît pas ! C’est ma petite fierté personnelle de m’être construite un réseau et de m’être intégrée dans la vie locale via cet engagement.
Comment fonctionne A Nos Watts au quotidien, avec les citoyens et les partenaires du projet ?
Pour l’instant, on est 5 à 6 personnes. On a aussi la chance de pouvoir compter sur nos partenaires qui mettent à disposition du projet des personnes ressources. Ce fonctionnement change d’autres expériences citoyennes qui reposent intégralement sur des bénévoles. Mais en attendant que d’autres citoyens nous rejoignent justement, c’est très agréable de pouvoir compter sur des personnes dont c’est le métier, qui sont compétentes et efficaces. On apprend énormément !
Vous planchez sur quoi en ce moment ?
On cherche à recruter de nouveaux bénévoles. En janvier, on a réussi à mobiliser 3 nouveaux bénévoles (2 femmes et 1 homme) : c’est donc aussi le moment de se demander comment passer le relais à ces nouveaux et comment leur transmettre tout ce qu’on a appris ces dernières années.
Et puis on finalise aussi la première grappe et surtout 2 gros projets d’ombrières. Si pour mettre des panneaux sur des toits, on commence à avoir des repères ; ces projets d’ombrières sont totalement nouveaux pour nous et on avance pas à pas avec les partenaires du projet. C’est donc très exaltant et en même temps ça demande du temps et de l’énergie pour anticiper les risques. J’ai beau être positive et confiante, on a quand même une grappe qui coûte 1 700 000€, donc on ne peut pas se louper.
Que penses-tu de la place des femmes dans les collectifs ?
Elles sont malheureusement peu nombreuses et on se heurte en plus à un plafond de verre et à la question des stéréotypes. Souvent, elles assurent le secrétariat et parfois la trésorerie. Peu de femmes se présentent à la présidence d’une société citoyenne ou se saisissent de sujets plus techniques. C’est encore trop rare, mais c’est aussi parce qu’elles ne se sentent pas compétentes ou parce qu’on ne leur reconnaît pas cette légitimité.
J’ai été moi aussi confrontée à cette réalité dans d’autres engagements associatifs. J’ai beau être issue d’une formation scientifique, être curieuse et avoir envie d’apprendre, quand je posais des questions pour me renseigner, on me répondait “Mais tu ne nous fais pas confiance ?”.
As-tu des idées justement pour leur donner plus de places ? Pour faciliter leur mobilisation ?
Les femmes doivent pouvoir se sentir plus compétentes, dans tous les domaines : c’est une certitude ! Mais au quotidien, je me demande tous les jours comment lutter contre des stéréotypes parfois insidieux. C’est d’autant plus vrai dans le milieu associatif où je vois les femmes se proposer d’elles-mêmes sur des sujets moins techniques que les hommes.
Et si je n’ai pas toutes les réponses, j’ai aussi beaucoup à apprendre sur le sujet. J’admire les nouveaux modes d’actions portés par des collectifs féministes comme les Rosies. J’ai aussi lu récemment un livre sur le tricot comme outil de militance dans l’histoire (les femmes tricotaient des bonnets phrygiens dans la rue pour revendiquer leur place dans la société). Alors pourquoi pas se retrouver dans un café et en faire un temps convivial pour les filles et se dire “Parlons de notre place dans ces sociétés citoyennes, sans en exclure pour autant les garçons” ? J’ignore si ce serait productif ou non, mais ça permettrait aussi d’en parler et d’avancer.